Théo Hooreman vous emmène en Histoire locale. Voici son 3e voyage, à la rencontre d'Elisabeth de Masfrand, petite-fille de l'ancien filateur et Député Louis Nicolle.
Chargé de mission et de médiation culturelle et pédagogique à La Coupole, Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais, Théo Hooreman est aussi un Wambrecitain passionné d'Histoire.
Vous l'avez peut-être déjà rencontré lors d'une visite guidée de la Distillerie, du fort du Vert Galant, ou en vous rendant au Musée de la Résistance de Bondues.
Il vous invite à remonter le temps, à la rencontre de certains grands personnages qui ont fait l'histoire de Wambrechies.
Théo Hooreman : bonjour Mme de Masfrand, qui êtes-vous par rapport à Louis Nicolle ?
Elisabeth de Masfrand : je suis la dernière de ses 25 petits-enfants nés de 1921 à 1951. Ma mère Geneviève Nicolle était elle-même la dernière de ses six filles.
Qui est Louis Nicolle ? Quel a été son rôle à Wambrechies ?
Louis Nicolle est né à Lille, en 1871. Vers 1890, il rejoint son grand-père et son père à la direction de la filature de lin de Lomme. Elle devient sous sa direction « Les Etablissements Louis Nicolle ».
Il développe, modernise l'usine initiale, la remet en marche après la guerre 14-18 et, faisant appel à l'architecte André Granet, il crée une deuxième usine à Wambrechies, en partie financée par les « dommages de guerre ».
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’usine Nicolle ?
À cause du pillage et des réquisitions allemandes pendant la Première Guerre Mondiale, les filatures Becquart-Crespel et Vandenbosch sont dévastées. Louis Nicolle décide alors de les racheter pour former « La linière de Wambrechies ».
Son usine, il la veut moderne et innovante. La tour centrale est un château d’eau pour les besoins de l’usine. Au total, la surface occupe 30 000 m2 !
À côté est construite la Cité St-Joseph, aujourd’hui disparue, pour le logement des ouvriers. Chaque jour, des bus amenaient des ouvrières et ouvriers venus du bassin minier. Malgré les crises de l'entre-deux-guerres qui pèsent sur l'industrie textile, il sait faire prospérer son entreprise. En 1926, il double l'usine de Wambrechies.
Sous l'occupation allemande de la deuxième guerre, les usines de Lomme et de Wambrechies qui étaient « sichergestellt » (protégées par la Sécurité) ont continué de fonctionner.
Après la mort de Louis Nicolle, elles ont survécu jusqu'aux années 1960.
Louis Nicolle est également célèbre pour son engagement politique…
Il est conseiller municipal et maire de Lomme de 1904 à 1919, député du Nord de 1924 à 1936 puis député de la circonscription de Wambrechies à partir de 1928.
Il devient, durant les quelques mois qui précèdent le Front Populaire, sous le gouvernement d'Albert Sarraut, ministre de la Santé Publique et de l'Education Physique (photo ci-contre).
Défenseur d'une union nationale, il se démarque ainsi quelque peu de son parti d'origine, de droite, libéral et conservateur, l’Entente Républicaine Démocratique.
Ensuite, il abandonne la politique. Chevalier de la Légion d'Honneur depuis 1921, il est promu au grade d'Officier de la Légion d'Honneur en 1939.
Sa vie s'achève en 1942, au cours de de la Seconde Guerre Mondiale. Il ne pourra pas éviter la destruction de sa demeure familiale de Canteleu à Lomme que son grand père Eugène Verstraete avait construite en 1865 à proximité de l'usine.
Quelles étaient ses autres activités ?
Il a beaucoup œuvré pour la reconstruction de sa région dévastée par la guerre.
Ses connaissances sur le lin sont largement reconnues : longtemps, il préside le Comité Linier de France, il est aussi le vice-président du Syndicat des Filateurs de lin, et un membre actif de la Chambre de Commerce de Lille.
Il est l'auteur d'un article intitulé « le lin » publié dans la Revue des Deux Mondes du 1er janvier 1931, et d'un autre, « La crise des industries textiles », que l'on peut trouver sur le site Gallica de la BNF sous cette référence : « Le Désordre de l'économie internationale et la Pensée chrétienne ». Compte rendu in extenso des cours et conférences. 1932. (25 mars 1933.).
Et je ne parle pas de ses autres écrits nombreux qui traitent principalement de sujets économiques.
De 1912 à 1927 il est à la tête de la Société industrielle du Nord. Membre en 1920 de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, il en devient le Président à la fin de sa vie.
Portrait d’une bobineuse
Elise Fauquenoit habitait rue de Quesnoy, en face de la linière.
Mariée, mère de deux enfants, elle a travaillé une vingtaine d’années chez Nicolle dans les années 1920-30.
Sa sœur et ses voisines l’accompagnaient chaque jour, du lundi au samedi midi, seul le dimanche était alors un jour de repos.
Son travail, debout, consiste à confectionner les bobines de fil, qui seront ensuite utilisées pour tisser.
Elle ramenait régulièrement chez elle des rochets en cartons (support au milieu de la bobine) pour allumer sa cheminée.